En cachette du vent dans le catalogue
Une histoire d’amour sans titre dans le catalogue
les maisons du détour dans le catalogue
comptine pour un au-delà dans le catalogue
Biographie de Pierre Auban par son frère Gérard Auban :
C’est à Mont de Marsan, le 9 août 1951, que naît le poète Pierre Auban ; une ville dans laquelle il passera la quasi-totalité de son existence et qui fut pour lui, selon ses dires, « son antre et son aire ».
D’un père négociant en vins et d’une mère institutrice, il est le dernier enfant d’une fratrie de huit. Il a tout juste neuf ans lorsque son père, précocement atteint d’un cancer du cervelet, décède. C’est sa mère qui, ayant abandonné sa profession d’enseignante, prendra avec les aînés la gestion du commerce et le soin de sa famille.
Des « ronces de l’enfance », selon l’expression d’Yves Bonnefoy dont Pierre fréquenta beaucoup l’œuvre, le poète conservera jusqu’à sa fin un sentiment de mal-être et de tragique, une sorte d’inaptitude à vivre, l’impression d’avoir été non désiré et la permanente présence intérieure de la contingence et de la mort.
« Ils, que sont-ils quand ils commencent
Effrayés par la route à suivre
Pris par la peur d’en voir le bout
Un peu tel que moi, il me semble. »
Pierre Auban commence très tôt à écrire (son premier poème publié le sera dans le bulletin paroissial local alors que le poète est en classe de sixième) et, après les études secondaires au lycée Victor Duruy de Mont de Marsan, il se consacrera exclusivement au travail d’écriture.
C’est aux éditions José Millas Martin et aux éditions Saint-Germain-des-Prés que paraissent successivement les premiers recueils : Comme une ivresse d’eau, 1972, Arrivages formels, 1972, L’oiseau à grands cris rouges, 1973 et Brefs échos du milieu de l’ombre,1974.
Le poète participe alors aux revues Verticales 12 et Présence de l’Ouest.
S’expriment dans ces textes une inquiétude sans cesse en alerte, un goût de l’approfondissement haché, le délire maîtrisé par l’acuité de la sensibilité, « Le souci d’images qui rejoignent l’absolu de l’angoisse et le ravive », écrira le poète Jean Orizet qui parlera alors d’une sorte de « Mallarméisme écorché », citant L’oiseau à grands cris rouges, recueil dédié, semble-t-il, au groupe libertaire La Rue et au petit-fils de Jean Richepin – « La forme d’une bulle » irait à ravir où mourir – avec la couleur de son cœur. »
Pierre Auban reconnaissait lui-même une alcoolisation volontaire précoce, qui n’a pas été sans accentuer le sentiment de solitude, non pas solitude hautaine et orgueilleuse, mais esseulement forcené, très entouré pourtant ; sentiment aussi, d’être de trop, d’avoir déçu qui habitait un intérieur très tôt torturé que l’apparence dissimulait souvent. « Je ne suis pas mon personnage », se plaisait-il à dire. Il y avait du Malcom Lowry en lui, dans le plus profond de sa vie et de son œuvre et de leur même mouvement. Il en fut d’ailleurs un fraternel et assidu lecteur.
Comme il le fut de quantité de poètes et d’écrivains, tant sa passion de lire accompagnait sa passion de poète.
Lui qui détestait le parisianisme, dénoncé comme le «pire des provincialismes», publiera successivement aux Cahiers des Brisants, une maison d’édition montoise Nuls pour l’art et déviés, 1975, Les jours malgré eux, 1979, Lamento nu, 1982 et Le plat des jours, 1982.
Par ailleurs, l’éditeur bordelais Claude Chambard publiera en 1983 A passage, la première édition d’Aller où l’on s’en va, dont le deuxième édition augmentée des Pas sur l’inconnu sera publiée à Mont de Marsan pour Aller simple, à l’occasion d’une exposition réunissant autour du texte de Pierre, les peintures de Gérard, son frère, et les sculptures et installations de Jean-Louis Laught en 1987.
Dans ce texte, souvent repris dans les manifestations qu’organisèrent autour de l’œuvre de Pierre Auban, Jean Lalaude des éditions de La Crypte et le professeur de philosophie Colette Maury- Lascoux, Pierre exprime avec une étonnante précocité la trajectoire de l’inéluctable devenir :
« Ils se demanderont pourquoi
Leur sont venues des solitudes
Badigeonnées de sang et d’aigre
Veines raclées comme des gorges
Et lorsque sera le jour
De s’écrire finalement
Comme eux seuls savent bien le faire
L’encre sera leur sueur sombre »
Et viendra le temps des prières, il viendra vite pour Pierre qui, dans un texte inédit, écrit Merci mon Dieu pour m’avoir fait vieillir si vite, le temps où « les prières viendront vêtir l’écorché geignant de leurs doutes ».
Ou plutôt que les prières, l’expression louangeuse en travail de Dieu, car comme le disent les Paroles pénitentes : « Il n’y pas de prière. Il n’y a que le frémissement serein du labeur de Dieu. Labourer la vie sur les mains de l’enfant. Qui peut Seigneur travailler aussi vrai ? »
C’est en 1988 que paraît Comme chacun le sait ou les paroles pénitentes dans une édition réalisée à partir du texte calligraphié par Sœur Lucienne Hubert, une religieuse vivant en ermite dans la forêt landaise et qui collaborera ultérieurement à l’édition que Jean Lalaude réalisera des Psaumes.
Par son ampleur, par la puissance émotionnelle émanant du tragique quotidien du poète, par la spiritualité qui accompagne sa recherche du plus bas, par la foi que le texte manifeste, par la pureté des images, des images maritimes notamment, qui parsèment le texte, Les paroles pénitentes expriment le plus profond du poète :
« La mer est calme ce matin, mon doux seigneur. Les arbres dansent sur les vagues muettes. Deux garçons se baignent et s’aiment. Les tranchées de l’espoir s’élargissent et je marche par d’étroites ruelles de fleurs. Ce n’est pas juste pour l’indigne. Tu as raison. C’est ainsi. C’est ta raison. Mais je vais me fabriquer une tempête et ce soir je pourrirai dans mes larmes, malgré toi. Malgré tout ton amour j’irai dormir sur les épines, sur le sang noir de mon unique plaie. Seigneur épargne-moi la douceur de certains matins infestés de hontes. Je ne suis que le misérable. »
La dédicace du texte traduit parfaitement cet universel du quotidien que vit le poète:
« A toi
Ces textes ne sont pas faits, écrits
Pour quelqu’un d’autre que ma famille
« Je suis toutes les familles ».
Jérémie
Moi aussi.
Pierre Auban. »
A la publication de Comme chacun le sait, Claude Mauriac écrira « Je n’oublierai jamais Pierre Auban. »
Six ans plus tard, Jean Lalaude publiera à La Crypte, un texte de même profondeur spirituelle, En cachette du vent, psaumes, répons et contrepoints.
« Chaque pas vers la mort est de douleur comprise. Aussi ne t’étonne pas de sourire Seigneur. Ne te demande pas pourquoi cette allégresse parle si souvent de les quitter tous et de tout laisser. Je rejoins ma place auprès de toi. »
« Sainteté de l’homme.
Plus bas, plus bas encore, où les passeurs brûlent les barques
Où les filles édentées rient et pleurent dans la fange.
Où rien ne ressemble à une humanité.
C’est cela qu’il veut
Pour mieux préparer son envol. »
L’envol eut lieu le 7 mai 2003. Sud-Ouest titre en page locale : « Mort d’un poète ». En 2003, le Centre d’Art Contemporain rendit hommage au poète en même temps que Jean Lalaude publia, à La Crypte, Une histoire d’amour sans titre.
Une grande partie de l’œuvre de Pierre Auban est à ce jour inédite.
Sur un exemplaire de Pierre écrite d’Yves Bonnefoy, à la page reproduisant « Une pierre », Pierre Auban avait biffé le « Une ». Restait « Pierre », et ces mots qui lui vont si bien :
« Il désirait, sans connaître,
Il a péri, sans avoir.
Arbres, fumées
Toutes lignes de vent et de déception
Furent son gîte
Infiniment…
Il n’a étreint que sa mort. »
Ce sera le titre de la revue qu’il créera avec Jean Louis Clavé.
Bibliographie :
Comme une ivresse d’eau ou « Poème à mes ombres », 1972, José Millas Martin éditeur
Arrimages formels, 1972, José Millas Martin éditeur
L’oiseau à grands cris rouges, 1973, Saint-Germain-des-Prés éditeur
Basses litières et langue d’herbe, 1974, Saint-Germain-des-Prés éditeur
Brefs échos du milieu de l’ombre, 1974, Saint-Germain-des-Prés éditeur
Nuls pour l’art et déviés, 1975, Les cahiers des brisants éditeur
Les jours malgré eux (Onze étapes dans la vie d’un monstre), 1979, Les cahiers des brisants éditeur
Lamento nu, 1982, Les cahiers des brisants éditeur
Aller où l’on s’en va (1ère édition), 1983, Passage Claude Chambard éditeur
Aller où l’on s’en va (2e édition), 1987, Aller simple éditeur (130 exemplaires)
Comme chacun le sait ou les paroles pénitentes, 1988, Aller simple éditeur
En cachette du vent, psaumes répons et contrepoints, 1994, éditions de La Crypte (200 exemplaires)
Une histoire d’amour sans titre, 2005, éditions de La Crypte
les maisons du détour, 2020, éditions de La Crypte
comptine pour un au-delà, 2020, éditions de La Crypte