Extrait
Il est des hommes perdus dans ce monde, qui n’ont pas d’histoires dont ils sont les héros, qui n’ont pas de refuge pour mettre en lumière leurs souvenirs, qui n’ont même pas d’espaces pour recueillir le vent.
À peine peuvent-ils le saisir dans le creux de leurs mains. Et lui leur souffle dessus. Il passe immense et grave entre les montagnes, il ne les entend pas. Mon frère était un de ces hommes. Je le savais marchant le dos dépourvu de tout regard. S’oubliant lui-même, sur le lit d’une rivière glaciale. Il a regardé le cours cinglant de l’eau, il n’a pas senti ses larmes sur son visage, il n’a pas senti ses genoux fléchir. Il a fini avec son ombre au ventre. Peut-on courir après le fleuve ? Je sais que son écorce est sèche, qu’elle est dans un espace trop large pour que le mien l’insuffle. Il est temps pour moi de devenir arbre.
Avis
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