Extrait
Extrait sonore :
entre le monde et moi, il y a comme un grincement de porte, un méchant goût de camphre à vous faire dresser les cheveux sur la langue. entre le monde et moi, les fenêtres sont borgnes et les murs n’ont d’oreilles que dans les gencives des angles. entre le monde et moi palpite un autre moi, miroir à sens unique au bord duquel je vais jusqu’à pencher mon nombre et son chiffre adjacent. entre le monde et moi il y a comme un barrage, un verrou dans la gorge, un zodiaque dont le thème n’aurait plus rien d’astral. entre le monde et moi sommeille un revolver ; reste maintenant à savoir de quel côté de ma peau se situe la gâchette
Paul Gourdon –
Il y a deux choses assez pénibles ; la première, c’est lorsque les poètes se demandent ce qu’est la poésie ou, qu’en passant, ils prédisent, déplorent et convoquent sa mort ; la seconde, c’est le mimétisme des chroniqueurs d’ouvrage — ils ont l’inclination pour les formules vagues et une tendance égotique les poussent à ajouter leur petite part de poésie. Alors on n’y comprend plus rien. Il faut parler de poésie comme on parle de musique, de sport ou de sexe.
Peut-être que la poésie se transforme, qu’elle passe par de nouveaux objets. Peut-être qu’elle s’est tellement fait refaire le visage que, si elle se croisait, elle douterait d’avoir jamais existé. Mais peut-être que la véritable nouveauté est plus discrète, peut-être se loge-t-elle encore dans les livres.
Il est probable que la poésie soit une enquête inachevée, sans meurtre et sans police, une enquête qui chercherait à élucider des bouts renaissances, la généalogie d’une étincelle.
Voici une enquête incroyable, menée par un détective sauvage qui ne se reconnaissait plus lui-même et qui, loin de toute introspection, a collecté les voix d’autres fantômes. Il leur a construit une maison bancale qu’il a habité lui aussi, comme un halluciné. Voici une enquête écrite dans une langue étrangère mais que vous comprendrez tout de suite si vous l’ouvrez dans cette heure sauvage qui vous avale parfois.
Voici donc une enquête essentielle, un magnétophone pour les ombres.
Voilà,
je viens de faire les deux choses assez pénibles dont je parlais. Ne m’écoutez pas, ou presque pas, ou juste ça : achetez ce livre, lisez ce livre !